Édulcorants : répondre aux questions les plus courantes et démystifier les idées reçues
Dernière mise à jour : 09 August 2024
On utilise depuis des siècles différents produits, comme le miel ou le sucre, pour sucrer nos aliments. Aujourd'hui, nous avons également toute une gamme de nouveaux édulcorants en alternatives peu caloriques au sucre. L'UE a établi des règles strictes pour définir quels édulcorants peuvent être utilisés en toute sécurité et au sujet des mentions qui doivent figurer sur les étiquettes pour informer les consommateurs.
Que sont les édulcorants et quels en sont les différents types ?
Les édulcorants sont des additifs alimentaires utilisés pour apporter un goût sucré aux aliments ou pour les édulcorants de table (c'est-à-dire les édulcorants utilisés comme substitut aux sucres). Les édulcorants sont souvent utilisés comme alternative au sucre. Certains édulcorants, souvent appelés « édulcorants intenses », donnent un goût très sucré tout en contenant très peu de calories, voire aucune (pour des exemples, voir le tableau 1). Du fait de leur pouvoir sucrant élevé, seules de petites quantités sont nécessaires. Un autre groupe d'édulcorants largement utilisé est celui de ce que l'on appelle les édulcorants hypocaloriques, édulcorants de charge ou « polyols » (pour des exemples, voir le tableau 1). Ces édulcorants apportent moins de calories par gramme que le sucre (saccharose) tout en ayant la même charge (volume, voir aussi l'article « Remplacer les sucres »). Les règles d'utilisation des deux types d'édulcorants sont établies dans le règlement de la Commission européenne sur les additifs alimentaires (2008)1, qui couvre « les additifs alimentaires, les enzymes alimentaires, les arômes alimentaires et les nutriments ». Cette directive ne s’applique pas aux produits qui ont des propriétés édulcorantes, comme le sucre, le miel ou le sirop d’érable.
Édulcorants |
Polyols |
Acésulfame K |
Sorbitol |
Aspartame |
Mannitol |
Cyclamates |
Isomalt |
Saccharine |
Maltitol |
Thaumatine |
Lactitol |
Néohespéridine DC |
Xylitol |
Glycosides de stéviol (provenant de la stévia) |
Érythritol |
Tableau 1. Types d'édulcorants et de polyols couramment utilisés dans les aliments.
Pourquoi et comment utilisons-nous les édulcorants ?
Les édulcorants sont utilisés en alternative au sucre pour différentes raisons. Les polyols peuvent être utilisés par les personnes cherchant à perdre du poids ou à contrôler leur poids. Les édulcorants ne favorisant pas les caries dentaires, ils peuvent être utilisés pour adoucir des produits comme les dentifrices ou les bains de bouche. Les édulcorants peuvent jouer un rôle en contribuant à un régime sain sans avoir à sacrifier le plaisir de manger des produits sucrés. Des preuves chez l'Homme ont démontré que les édulcorants hypocaloriques pouvaient contribuer à réduire l'apport énergétique et le poids dans des conditions spécifiques (voir également la section sur « Les édulcorants sont-ils meilleurs que le sucre ? pour les conditions).2,3 Enfin, certains édulcorants ont une utilisation technique, en dehors de leur effet sucrant, par exemple, en augmentant la durée de conservation de l'aliment. Les polyols peuvent être utilisés pour retenir l’humidité dans des produits comme les gâteaux et les brioches.
Quelle est la différence entre édulcorants naturels et artificiels ?
Les édulcorants naturels sont extraits de sources végétales (par exemple la stévia) ou produits par des animaux (par exemple le miel), tandis que les édulcorants artificiels sont fabriqués à l'aide d'un processus industriel. La structure chimique des édulcorants diffère entre les types d'édulcorants naturels et artificiels et à l'intérieur de ces deux catégories.
Les édulcorants naturels peuvent apporter des calories, tandis que les édulcorants artificiels contiennent généralement moins de calories par gramme que le sucre, car ils ne sont pas métabolisés de la même manière par l'organisme. La stévia (dérivée des feuilles de la plante Stevia rebaundiana) et l'érythritol (produit par fermentation ou par des processus enzymatiques, généralement à partir du glucose), sont des exemples d'édulcorants naturels. L'aspartame, le sucralose, la saccharine et l'acésulfame K sont eux des exemples d'édulcorants artificiels.
Comment sont fabriqués les édulcorants artificiels ?
Les édulcorants artificiels sont obtenus par un processus industriel à partir de composés naturels (comme les acides aminés, qui sont à la base de la construction des protéines). Le procédé de fabrication peut comprendre la fermentation ainsi que des réactions chimiques synthétiques. Par exemple, l'aspartame est synthétisé en combinant les acides aminés acide aspartique et phénylalanine, le sucralose est fabriqué par un processus qui implique la chloration sélective des molécules de sucrose, et l'acésulfame K est synthétisé en transformant chimiquement l'acide acétoacétique.
Les édulcorants sont-ils meilleurs que le sucre ?
Les preuves scientifiques actuelles n'ont donné lieu à aucun consensus pour déterminer si les édulcorants étaient meilleurs que le sucre. Comme les édulcorants comprennent de nombreux composés différents (par exemple l'aspartame, le néotame), ils ne peuvent pas être considérés comme un groupe unique à comparer aux sucres en général. Alors que la science indique clairement que les effets négatifs sur la santé sont associés à un apport énergétique excessif (en particulier par la surconsommation de sodas, les avantages à recourir aux édulcorants (comme la perte de poids) dépendent probablement des circonstances spécifiques dans lesquelles ils sont consommés : le type et la quantité d'édulcorant, dans quel contexte ils remplacent d'autres produits, l'IMC et la graisse corporelle d'une personne, dans quel type d'aliment l'édulcorant est utilisé (solide ou liquide), la durée pendant laquelle il est consommé, la présence ou non de conditions métaboliques préexistantes, etc.2 ar conséquent, pour comprendre si les édulcorants sont meilleurs que le sucre, la situation spécifique dans laquelle une personne se trouve devra être évaluée pour comprendre s'il peut y avoir un avantage à remplacer le sucre par des édulcorants.
Les édulcorants sont-ils sûrs ?
Selon la législation de l'UE, les édulcorants (comme les autres additifs alimentaires) doivent être autorisés avant utilisation et leur sécurité est réévaluée constamment (conformément aux dispositions du règlement n° 257/2010 de la Commission européenne).6 Les édulcorants utilisés par les fabricants de produits alimentaires sont généralement soumis à certaines conditions d'utilisation. En clair, la loi précise à quels produits alimentaires les édulcorants autorisés et approuvés peuvent être ajoutés, ainsi que leur quantité. L'évaluation des édulcorants est la même que pour tous les additifs alimentaires et elle est basée sur l’examen des données de sécurité disponibles. Les données disponibles permettent de déterminer un niveau maximal d’additif sans effet toxique avéré. C’est ce que l’on appelle la « dose sans effet nocif observé » (DSENO), utilisée pour définir la « dose journalière admissible » (DJA) pour chaque additif alimentaire et qui comprend les édulcorants. La DJA offre une bonne marge de sécurité et indique la quantité d’additif alimentaire qui peut être consommée quotidiennement dans des circonstances normales, tout au long de la vie, sans risque pour la santé. Dans certains cas, par exemple celui des polyols, la loi ne fixe aucun plafond (DJA « non spécifiée »), mais stipule que l’utilisation doit respecter « les bonnes pratiques de fabrication », également appelées « quantum satis » dans les spécifications techniques. Les fabricants ne doivent pas en utiliser plus que nécessaire pour atteindre l'objectif prévu. Dans le cas des édulcorants, la consommation quotidienne, même chez les gros consommateurs de produits sucrés aux édulcorants, est censée être bien inférieure au seuil de toxicité présumé5,7 (c'est-à-dire que les scientifiques ne connaissent pas le niveau de toxicité chez l'Homme, car seules des études sur les animaux ont été effectuées en utilisant cet édulcorant spécifique, mais nous disposons de suffisamment d'informations provenant d'études sur les animaux pour comprendre la quantité qu'une personne peut consommer sans aucun effet néfaste).
Afin de s'assurer que les consommateurs sachent quels édulcorants ont été utilisés dans les différents produits alimentaires, la présence d'un édulcorant doit être indiquée sur l'étiquette d'un aliment ou d'une boisson soit par son nom, soit par son numéro E. Les édulcorants qui peuvent être achetés dans les supermarchés doivent être étiquetés « édulcorant de table à base de… », où le blanc est rempli par le nom de l'édulcorant utilisé. L'étiquette des aliments contenant des édulcorants intenses doit également indiquer leur présence et le nom de l'édulcorant doit figurer dans la liste des ingrédients. Les polyols doivent porter la mention de leurs effets laxatifs, tandis que ceux contenant l'édulcorant aspartame devraient indiquer qu'ils sont source de phénylalanine, car les personnes souffrant de phénylcétonurie ne peuvent pas métaboliser cet acide aminé.
Quel lien les édulcorants ont-ils avec notre santé ?
D'un point de vue scientifique, les preuves sur les édulcorants (et les effets sur la santé chez personnes) indiquent, indiquent que les édulcorants peuvent contribuer à une diminution de l'apport énergétique et à une perte de poids, ainsi qu'à une amélioration des facteurs de risque cardiométabolique.2,3,5,8-11 Par ailleurs, il a été démontré que les polyols et les édulcorants préviennent les caries dentaires 9,12 et l'EFSA reconnaît que, par rapport au sucre de table, ils réduisent le taux de sucre dans le sang après avoir mangé.12 Cependant, on ne sait toujours pas si une baisse du taux de sucre dans le sang entraîne des avantages à long terme pour la santé, par exemple sur le diabète, car à ce jour, les études ont donné des preuves contradictoires.7,12,13
Enfin, des édulcorants peuvent être ajoutés aux produits non alimentaires pour modifier le comportement des consommateurs (comme dans le tabac) plutôt que pour réduire les calories.14
Les édulcorants font-ils grossir ?
Il n'existe aucune preuve solide liant les édulcorants à la prise de poids. En fait, les essais contrôlés randomisés (ECR) actuels et les études de cohorte prospectives de haute qualité soutiennent l'utilisation d'édulcorants sans sucre pour réduire l'apport calorique et obtenir des avantages de perte de poids à court et à long terme.15 Les preuves montrent que les édulcorants réduisent l'apport énergétique et le poids corporel lorsqu'ils sont utilisés comme substituts du sucre dans l'alimentation des adultes, des adolescents ou des enfants.2,3,5,8,9,12,13,16-19
Selon certaines théories, l'utilisation d'édulcorants provoque
- une accoutumance au goût sucré (c.-à-d. s'habituer au goût sucré),
- une augmentation des envies de produits sucrés, et
des effets à long terme sur la santé métabolique, y compris sur les gènes en raison des habitudes parentales avant la conception. Ils entraineraient ainsi une augmentation de la consommation alimentaire et une prise de poids. Cependant, ces études n'apportent aucune réponse claire, les données disponibles étant limitées.5,20,21 Une autre façon indirecte de prendre du poids peut être par le biais de polyols qui ont un effet sur notre santé gastro-intestinale par l’intermédiaire des bactéries intestinales ; il reste toutefois à clarifier si l'effet sur le microbiote intestinal est bénéfique ou préjudiciable pour les humains ou même biologiquement pertinent.7,22
Le dernier rapport de l'Organisation mondiale de la santé sur l'utilisation d'édulcorants non sucrés recommandait de ne pas utiliser d'édulcorants non sucrés pour contrôler le poids (ou réduire le risque de maladies non transmissibles) chez les personnes non diabétiques23. Ce rapport avait toutefois quelques limites : 15
- Ces directives reposaient grandement sur des études de cohorte prospectives, qui sont généralement classées comme ayant une certitude de preuve inférieure à celle des ECR car elles ne peuvent pas établir la causalité. Les études de cohorte prospectives incluses dans la revue de l'OMS ont montré que la consommation d'édulcorants sans sucre était associée à une augmentation de l'indice de masse corporelle (IMC), à l'obésité, au diabète de type 2, aux maladies cardiovasculaires et à la mortalité toutes causes confondues et cardiovasculaire, tandis que les ECR ont montré que ceux qui consommaient des niveaux plus élevés d'édulcorants sans sucre avaient un poids inférieur et un IMC plus faible que ceux qui consommaient des quantités moindres ou pas d'édulcorants sans sucre.
- Les études de cohorte prospectives incluses dans la revue ont utilisé des méthodologies présentant un risque élevé de biais. Ces biais comprenaient la causalité inverse (c'est-à-dire que le fait d'être à risque élevé d'obésité ou de maladies chroniques entraîne une augmentation de la consommation d'édulcorants pour tenter de réduire le risque de maladie. Il est alors difficile de déterminer si la consommation d'édulcorants a entraîné une maladie), des ajustements incomplets pour les facteurs associés à la consommation d'édulcorants sans sucre et au risque de maladie, et le regroupement des comportements (c'est-à-dire que les personnes ayant une consommation élevée d'édulcorants sans sucre peuvent également adopter d'autres comportements associés à des modes de vie sains, comme suivre des régimes alimentaires de meilleure qualité et fumer moins). Des études ajustant correctement ces facteurs montrent que la consommation d'édulcorants sans sucre contribue au poids et aux avantages cardiométaboliques en réduisant ou en remplaçant l'excès de calories provenant du sucre.24
L'Association européenne pour l'étude du diabète recommande de remplacer les sucres dans les boissons et les aliments par des édulcorants sans sucre comme stratégie dans la réduction des risques pour les personnes atteintes ou à risque de diabète.25
Les édulcorants provoquent-ils le cancer ?
Les preuves scientifiques et les agences de sécurité alimentaire s'accordent à dire que les édulcorants ne provoquent pas de cancer. Malgré les demandes d'études plus robustes et plus à long terme sur les édulcorants individuels de la part de certains experts,2 selon le consensus scientifique actuel, aucune preuve ne démontre que les édulcorants provoquent le cancer. En effet, des agences internationales de sécurité alimentaire telles que l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) et la Food and Drug Administation (FDA) des États-Unis ont étudié en détail chaque édulcorant autorisé sur le marché et ont conclu que ces édulcorants sont sans danger pour une utilisation quotidienne. L'EFSA fixe généralement une valeur maximale pour chaque additif alimentaire autorisé (les édulcorants sont considérés comme des additifs alimentaires) qui est souvent bien supérieure à la consommation estimée de chaque personne pour assurer la sécurité toxicologique à court et à long terme.
Alors, quelles sont les recommandations officielles sur les édulcorants ?
Comme les édulcorants sont des additifs alimentaires, il n'y a pas de recommandation sur leur consommation comme nous en avons pour d'autres nutriments comme les glucides, les protéines ou les graisses. Cependant, les données sur les effets bénéfiques de la consommation d'édulcorants sur la santé dépendant fortement du contexte (par exemple, votre poids, si les édulcorants sont utilisés en remplacement du sucre dans les aliments solides ou liquides, combien de temps vous remplacez le sucre par des édulcorants, le type d'édulcorants), les groupes d'experts soutenant les autorités de santé publique s'accordent à dire que :2,5,9,13,15,26,27
- Les édulcorants peuvent aider à perdre du poids et à gérer son poids
- Les preuves actuelles sont insuffisantes pour remplacer intentionnellement et à grande échelle les sucres dans les produits sucrés
- Les boissons sucrées sans sucre ne doivent pas être utilisées comme substitut à l'eau
- Les édulcorants peuvent être acceptables pour aider les diabétiques à gérer leur glycémie
- Vous habituer progressivement à des goûts moins sucrés peut être une stratégie utile pour soutenir la réduction de la consommation de sucre dans l'alimentation. Les polyols peuvent être un outil de soutien alternatif dans ce processus.
Les références
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