Les valeurs nutritionnelles de reference : des reperes pour qui?
Dernière mise à jour : 01 December 2013Les valeurs nutritionnelles de référence (VNR) sont importantes pour la promotion de la santé publique, l'élaboration de règlements relatifs à l'étiquetage des produits et l'identification des populations à risque d'excès ou d'insuffisance d'apports. Ces valeurs sont cependant difficiles à établir et ne doivent pas être considérées comme des recommandations ou des objectifs pour les consommateurs. Elles doivent être interprétées par des professionnels et peuvent constituer le socle de recommandations nutritionnelles.
Calcul des VNR
Les VNR sont des repères quantitatifs concernant les apports nutritionnels ; elles sont calculées pour différents groupes de populations selon des critères de santé définis. Elles fournissent aux professionnels des indications utiles sur les quantités d'énergie et de nutriments théoriquement nécessaires pour assurer la croissance, le développement et la santé de l'organisme, tout en limitant les risques de carences et de maladies non transmissibles comme les maladies cardiovasculaires ou le cancer.1
Pour définir la quantité adéquate de chaque nutriment, une multitude de critères entrent en jeu. Pour la plupart des nutriments, il est possible d'instaurer une hiérarchie, allant de la prévention des carences cliniques à l'optimisation des réserves ou de l'état nutritionnel. Diverses sources de données peuvent être utilisées selon les critères choisis : essais in vitro, études sur l'animal, études expérimentales chez l'Homme et études épidémiologiques. Plusieurs facteurs sont également pris en compte, dont l'âge, le sexe, les besoins spécifiques de la grossesse et de l'allaitement, l'influence des agressions environnementales telles que les infections, et la biodisponibilité (proportion d'un nutriment absorbé et utilisé par l'organisme). Par conséquent, en fonction des données disponibles, les VNR sont établies par groupes d'âge et par sexe ainsi que par tranches d'âge. Au sein d'un même groupe, les besoins en nutriments peuvent varier d'un individu à l'autre.1
Les valeurs nutritionnelles de référence européennes
Après l'eau en 2010, les protéines en 2012 et la valeur énergétique en 2013, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a récemment mis à jour les valeurs nutritionnelles de référence (VNR) concernant les matières grasses, les glucides totaux (sucres et fibres) – les valeurs relatives aux micronutriments étant en cours d'élaboration.1-3 L'EFSA a également émis des recommandations pour le calcul et l'utilisation pratique des VNR, ces recommandations comprenant les types d'études acceptables, les méthodes de calcul des besoins en nutriments (sans oublier les facteurs déterminants), ainsi que l’influence de l'alimentation en matière de risques de maladies chroniques.1 Le projet européen EURRECA (EURopean micronutrient RECommendations Aligned) a défini un cadre pour le calcul et l'utilisation pratique des VNR concernant les micronutriments.4
Le type de VNR ainsi que les critères utilisés sont déterminés au cas par cas pour chaque nutriment. Dans un groupe de population donné, il subsiste des variations entre individus et l’on observe donc un éventail de besoins. Les agences des différents pays européens ont utilisé des terminologies différentes. En Europe, la terminologie a été harmonisée et l'EFSA utilise les VNR définies ci-après:
- Apports de référence à la population: niveau d'apports convenant à la quasi-totalité de la population, à savoir apport optimal pour l'ensemble de la population.
- Besoins moyens: niveau d'apports convenant à la moitié de la population, pour une distribution normale des besoins (voir Figure 1).
- Seuil d'apport minimal: niveau d'apports en dessous duquel, selon les connaissances actuelles, la quasi-totalité des individus présenteront des apports insuffisants.
- Apports adéquats (lorsque l'on ne dispose pas de preuves suffisantes pour déterminer les apports de référence de la population): quantité moyenne d'un nutriment consommée par des groupes d'individus en bonne santé (à savoir, quantité supposée adéquate).
Figure 1. Distribution des besoins d'un groupe de population, pour une distribution normale des besoins et une variation connue des besoins entre individus. Les apports de référence de la population se situent deux écarts-types (σ) au-dessus des besoins moyens et le seuil d'apport minimal se situe deux écarts-types en dessous des besoins moyens.1
Étant donné que l'objectif des VNR est non seulement de garantir des apports suffisants en nutriments essentiels, mais également de prévenir les excès d'apports, les valeurs suivantes ont également été définies:
- Intervalles d'apports de référence pour les macronutriments : exprimés en proportion des apports énergétiques journaliers, ils constituent un indicateur des apports qui sont nécessaires pour garantir une bonne santé et qui sont associés à de faibles risques de maladies chroniques. Par exemple, l'Intervalle d'apports de référence fixé pour les matières grasses va de 20 % à 35 % des apports énergétiques journaliers totaux.1
- Apport maximal tolérable (AMT) : niveau maximal d'apports journaliers chroniques en nutriments n'ayant aucun risque d'effets néfastes pour la santé (voir Figure 2).
Figure 2. Lien entre les apports individuels et le risque d'effets néfastes dus à un excès ou à une insuffisance d'apports.1
Utilisation pratique des VNR
Les VNR peuvent être utilisées par les décideurs politiques, les services de santé, l'industrie agroalimentaire ou les chercheurs. Elles permettent de réaliser des bilans nutritionnels, de concevoir des régimes alimentaires et d'élaborer des recommandations nutritionnelles pour certains individus ou groupes d'individus ainsi que pour l'étiquetage des produits alimentaires.
Bilans et programmes nutritionnels
Il est possible d'estimer les apports nutritionnels et de les comparer aux VNR afin de déterminer si certaines habitudes alimentaires comportent des risques d'insuffisance – ou d'excès – d'apports en nutriments. Les bilans nutritionnels doivent tenir compte des variations quotidiennes des apports, mais aussi des aliments (et nutriments) probablement sous-déclarés, afin de refléter fidèlement les apports habituels. Les programmes nutritionnels ont pour but de créer des régimes alimentaires comportant peu de risques de carences ou d'excès en nutriments.1
Il existe une forte probabilité que les individus dont les apports habituels sont inférieurs aux besoins moyens s'alimentent mal, et cette probabilité est très élevée chez les individus dont les apports habituels sont inférieurs au seuil d'apport minimal. À l'inverse, des apports chroniques supérieurs à l'apport maximal tolérable peuvent être associés à une augmentation du risque d'effets néfastes. L'évaluation des apports journaliers habituels des individus présente cependant des problèmes intrinsèques du fait des limites de méthodes telles que les carnets ou les questionnaires alimentaires. Une bonne évaluation des habitudes alimentaires d'un individu doit prendre en compte les variations individuelles des besoins en nutriments, au moyen de données anthropométriques, biochimiques (état nutritionnel) et cliniques, ainsi que les niveaux d'activité physique.1
Au niveau des groupes de populations, la répartition des apports en nutriments entre individus est jugée plus importante qu'un niveau d'apports recommandé fixe. Les apports nutritionnels des groupes sont déterminés à partir d'enquêtes nutritionnelles. Le pourcentage d'individus dont les apports sont inférieurs aux besoins moyens (méthode du seuil des besoins moyens) correspond à la proportion théorique d'un groupe susceptible de présenter des apports insuffisants. Cette méthode est adéquate lorsque la distribution des apports en nutriments est normale (comme sur la courbe en cloche de la Figure 1). Le fer est un exemple de nutriment dont la distribution des besoins entre individus est asymétrique ; ici, la méthode du seuil sous-estimerait la prévalence d'apports insuffisants en fer chez les femmes ayant leurs règles.1
Il existe par ailleurs des méthodes statistiques (par exemple, les probabilités ou la simulation de Monte-Carlo) qui tiennent compte de la variabilité des apports et des besoins. Les apports de référence à la population ne doivent pas être utilisés comme seuil, car la proportion d'individus présentant des risques d'apports insuffisants serait alors surestimée. Un apport moyen supérieur ou égal aux apports adéquats implique une faible prévalence d'apports insuffisants. Cependant, si les apports d'un individu sont inférieurs aux apports adéquats, il est impossible d'évaluer la probabilité d'une insuffisance en nutriments.1
Pour l'élaboration de programmes nutritionnels destinés à des individus ou à des groupes d'individus, les apports de référence à la population (ou les apports adéquats) peuvent être utilisés comme valeurs ciblent d'apports adéquats en vitamines, en protéines ou en minéraux. Les apports médians d'un groupe peuvent être supérieurs aux apports de référence à la population (en particulier, lorsque la distribution des apports est asymétrique).1
Les VNR concernant la valeur énergétique sont exprimées en besoins moyens de groupes d'âge et de sexe définis. Étant donné que les besoins énergétiques varient énormément, les VNR présentent une utilité limitée au niveau individuel. Les besoins moyens concernant la valeur énergétique (définis selon le sexe, l'âge, la taille, le poids et le niveau d'activité physique) peuvent servir de valeur cible pour les programmes nutritionnels, mais ils dépasseront les besoins de la moitié des individus d'un groupe donné. Cela peut donner lieu à un bilan énergétique positif chez ces individus, provoquant une prise de poids sur le long terme. Les antécédents relatifs au poids corporel constituent un indicateur utile de l'existence d'une adéquation entre les apports habituels et les besoins énergétiques ; de plus, le poids doit être surveillé et les apports ajustés en conséquence.1
Objectifs et recommandations nutritionnelles
Les objectifs et recommandations nutritionnels tiennent compte des besoins liés à la santé, de l'état nutritionnel et des habitudes de consommation, ainsi que de la composition des aliments disponibles. Des objectifs d'apports en nutriments peuvent être fixés, à l'échelle de la population, pour la planification et l'évaluation de la santé publique. Un exemple d'un tel objectif peut être un apport en matières grasses moyen pour la population correspondant à 30 % d'énergie, soit, sur la base des apports énergétiques journaliers totaux moyens, une énergie provenant à 30 % des matières grasses. Les recommandations nutritionnelles sont généralement des objectifs individuels d'apports en nutriments, par exemple ≤ 10 % d'énergie pour les acides gras saturés. Ces recommandations ne sont pas toujours directement destinées au consommateur, mais sont plutôt conçues pour être utilisées par les professionnels de santé et les décideurs politiques. L'EFSA a publié un guide sur l'utilisation pratique des VNR pour l'élaboration de recommandations nutritionnelles en fonction du régime alimentaire (Food-Based Dietary Guidelines, FBDG), informations plus accessibles au consommateur que les objectifs chiffrés.5 Au niveau national, ces recommandations tiennent compte des habitudes alimentaires et des besoins de groupes différents. Vingt-cinq États membres utilisent déjà les FBDG, les représentations graphiques les plus courantes étant les assiettes, les pyramides et les cercles.6
Étiquetage des produits
Les VNR sont également à la base de l'étiquetage nutritionnel des aliments, des boissons et des compléments alimentaires. Le nouveau règlement européen relatif à l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires rend obligatoire la mention, sur les étiquettes des produits alimentaires, d'informations sur la valeur énergétique ainsi que la teneur totale en graisses, graisses saturées, glucides, sucres, protéines et sel pour 100 g de produit, ou pour 100 ml s'il s'agit d'un liquide. Ces informations peuvent également être exprimées par portion. En plus des valeurs absolues, les teneurs en nutriments peuvent être exprimées en pourcentage des apports de référence d'un adulte type (généralement appelés repères nutritionnels journaliers, RNJ), par rapport à 100 g ou 100 ml ou à une portion de taille standard. Ces repères correspondent aux recommandations nutritionnelles émises pour l'ensemble de la population et ont été définis aux fins d'étiquetage, sur la base d'un régime alimentaire de 2 000 kcal (8 400 kJ) : 70 g de matières grasses (31,5 % des apports énergétiques), 20 g de matières grasses saturées (9 % des apports énergétiques), 260 g de glucides (52 % des apports énergétiques), 90 g de sucres (18 % des apports énergétiques), 50 g de protéines et 6 g de sel.7,8 À titre d'exemple, l'étiquette nutritionnelle d'un yaourt peut mentionner 2,8 g de matières grasses pour 100 g, 4 % des RNJ. Sur les étiquettes alimentaires, ces informations doivent être accompagnées de la mention « apports de référence pour un adulte type (8 400 kJ/2 000 kcal) ».
Les vitamines et les minéraux peuvent également être mentionnés sur l'étiquetage, à condition qu'ils soient présents en quantités significatives, auquel cas leur teneur doit également être exprimée en pourcentage des RNJ.8 L'EFSA n'a pas encore mis à jour les VNR concernant les micronutriments, mais ces valeurs ont été établies aux fins d'étiquetage.
Mauvaise utilisation des VNR
Les VNR peuvent être mal utilisées. Par exemple, il est absurde de critiquer certains aliments ou certaines boissons au prétexte qu'ils ne respecteraient pas les VNR concernant les graisses, le sel ou les sucres. Il faut savoir que les VNR font référence à une consommation quotidienne et concernent les habitudes alimentaires dans leur ensemble, pendant des périodes prolongées.
De plus, les VNR ne doivent pas être interprétées comme étant des recommandations nutritionnelles individuelles. Ces valeurs servent de point de référence pour les professionnels, qui les utilisent pour élaborer les politiques publiques et rédiger des recommandations à destination des consommateurs. Il s'agit de valeurs théoriques (et non exactes) applicables aux individus en bonne santé ; elles ne peuvent être appliquées à tous les patients sans précautions.1 Les professionnels de santé, et notamment les diététiciens, ont un rôle important à jouer pour adapter les VNR aux besoins de chaque individu.
Les consommateurs doivent s'efforcer d'appliquer les FBDG à long terme en adoptant une alimentation équilibrée et variée. Les repères nutritionnels figurant sur les étiquettes des produits alimentaires ne constituent pas des objectifs. Les pourcentages des RNJ ont pour but d'aider les consommateurs à évaluer la contribution relative de chaque produit à leurs apports nutritionnels journaliers, et offrent une façon de comparer la teneur en nutriments des produits.
Informations complémentaires
Site Internet du projet EURRECA: www.eurreca.org
Bibliographie
- EFSA (2010). Scientific Opinion on principles for deriving and applying Dietary Reference Values. EFSA Journal 8(3):1458. https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2903/j.efsa.2010.1458
- EFSA (2013). Scientific Opinion on Dietary Reference Values for energy. EFSA Journal 11(1):3005. https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2903/j.efsa.2013.3005
- EU project EURRECA, www.eurreca.org
- EFSA (2010). Scientific Opinion on establishing Food-Based Dietary Guidelines. EFSA Journal 8(3):1460. http://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/doc/1460.pdf
- EFSA (2009). Scientific Opinion of the Panel on Dietetic Products, Nutrition and Allergies on a request from the Commission related to the review of labelling reference intake values for selected nutritional elements. EFSA Journal 1008:1-14. http://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/doc/1008.pdf
- Regulation (EU) No 1169/2011 of the European Parliament and of the Council of 25 October 2011 on the provision of food information to consumers: http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2011:304:0018:0063:EN:PDF