Acrylamide : Qu’est-ce que c’est et comment en réduire la quantite dans les aliments | Eufic

Acrylamide : Qu’est-ce que c’est et comment en réduire la quantite dans les aliments

Dernière mise à jour : 06 May 2025
Table des matières

    L’acrylamide est une substance chimique qui se forme lorsque des aliments riches en amidon (comme le pain, les biscuits ou les pommes de terre) sont cuits à haute température par friture, cuisson au four, à la broche comme au grill. Elle se forme à travers le processus normal de brunissement qui confère aux aliments cuits leur couleur et leur goût attrayants.

    Cependant, des études ont montré que des niveaux élevés d’acrylamide augmentent significativement les risques de cancer chez les animaux. Bien que le lien entre l’acrylamide et le cancer chez l’homme ne soit pas encore concluant, il est conseillé de prendre des précautions en réduisant l’exposition alimentaire.

    Pour aider à minimiser les niveaux d’acrylamide dans les aliments, l’Union Européenne a mis en place des réglementations pour l’industrie agroalimentaire. Mais la sécurité alimentaire ne se limite pas uniquement à ce qui se passe dans les usines, elle concerne aussi nos propres cuisines. À la maison, nous pouvons réduire la formation d’acrylamide en évitant un brunissement excessif, en faisant tremper ou blanchir les pommes de terre avant la friture, en choisissant des méthodes de cuisson à plus basse température, etc.
    Cet article explique ce qu’est l’acrylamide, comment elle se forme, son lien potentiel avec le cancer, quels aliments en contiennent le plus, et donne des conseils pratiques pour y réduire son exposition. Il explore également comment certaines méthodes de cuisson émergentes, comme les friteuses à air, équivalent aux fours traditionnels en matière de formation d’acrylamide.

    Qu’est-ce que l’acrylamide ?

    Découverte pour la première fois dans l’alimentation en 2002, l’acrylamide se forme lorsque certains sucres réagissent, lors de la cuisson, avec un acide aminé appelé asparagine. Ce processus, connu sous le nom de réaction de Maillard, confère leur goût délicieux et leur couleur dorée aux aliments chauffés au-dessus d’environ 120 °C, comme pour la friture, le rôtissage ou la cuisson au four1.

    Cependant, cette réaction entraîne également la formation indésirable d’acrylamide : ce composé n’est pas ajouté volontairement aux aliments, il se crée spontanément à la cuisson.

    Acrylamide et cancer

    Des études en laboratoire ont montré que l’exposition à de fortes doses d’acrylamide peut générer des cancers et affecter la reproduction chez les animaux. Sur la base de ces résultats, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé l’acrylamide comme un cancérogène probable pour l’homme (groupe 2A) 2. Cette classification signifie que, bien que le lien entre l’acrylamide et le cancer chez l’homme reste incertain, les études sur les animaux fournissent suffisamment de preuves pour suggérer un potentiel cancérogène. La principale préoccupation est que l’acrylamide et son métabolite, la glycidamide, peuvent endommager l’ADN, contribuant potentiellement au développement de cancers tout au long de la vie.

    Par précaution, les autorités de santé publique et les organismes de réglementation encouragent les efforts des industriels, mais aussi des consommateurs, visant à réduire les niveaux d’acrylamide dans les aliments, limitant ainsi l’exposition alimentaire autant que possible 3,4.

    Aliments riches en acrylamide

    La quantité d’acrylamide dans un aliment dépend de plusieurs facteurs, notamment le type d’aliment, sa teneur naturelle en asparagine et en sucres, et la manière dont il est cuit. Voici quelques catégories d’aliments courantes qui ont tendance à contenir des niveaux plus élevés d’acrylamide.

    Aliments frits (par exemple chips de pommes de terre, frites)

    Les produits frits à base de pommes de terre sont parmi les sources les plus communes d’acrylamide : les pommes de terre contiennent naturellement des niveaux élevés d’asparagine et de sucres qui, lorsqu’ils sont exposés à la chaleur intense de la friture, accélèrent la réaction de Maillard, entraînant une formation plus importante d’acrylamide. Une façon simple de réduire les niveaux d’acrylamide est de faire tremper les tranches de pommes de terre dans l’eau avant la friture, ce qui permet d’éliminer une partie de l’amidon en surface qui contribue à la formation d’acrylamide.

    Café

    Le café est l’une des boissons les plus populaires dans le monde et une source notable d’acrylamide. Elle se forme pendant le processus de torréfaction, généralement à des températures supérieures à 200 °C :
    - Au départ, lorsque le temps et la température de torréfaction augmentent, les niveaux d’acrylamide s’élèvent.
    - Cependant, au-delà d’un certain point, ils commencent à diminuer à mesure que l’asparagine, l’un des précurseurs clés, s’épuise et que l’acrylamide commence à se décomposer.

    Le type de grain de café joue également un rôle : torréfiés, les grains Robusta contiennent généralement un peu plus d’acrylamide que les grains Arabica, en raison de leur teneur naturellement plus élevée en asparagine 5,6.

    Pain et produits de boulangerie

    Les produits de boulangerie, en particulier les croûtes de pain, sont une autre source d’acrylamide. Lorsqu’on fait cuire du pain, les températures élevées qui créent une croûte dorée contribuent également à la formation d’acrylamide. Le pain plus foncé, bien grillé, contient généralement des niveaux plus élevés d’acrylamide que le pain plus clair. De plus, le type de farine et la recette, en particulier la présence de sucres ajoutés, peuvent influencer les niveaux d’acrylamide.

    Fruits secs (par exemple pruneaux)

    Les fruits secs, comme les pruneaux, peuvent également contenir de l’acrylamide, bien que généralement en quantités plus faibles que les aliments féculents frits ou rôtis. Lors du processus de séchage, en particulier lorsque des températures élevées sont utilisées, les sucres naturels du fruit peuvent réagir avec les acides aminés pour former de l’acrylamide. Bien que les niveaux soient généralement bas, les fruits secs sont consommés régulièrement, ce qui signifie qu’ils peuvent contribuer à l’exposition alimentaire globale.

    Autres aliments

    L’acrylamide peut également être présente dans d’autres aliments comme les céréales de petit-déjeuner et les biscuits. La quantité varie en fonction des ingrédients, des conditions de transformation et des méthodes de cuisson. Ainsi, même des aliments similaires peuvent en contenir des quantités différentes.
    En général, les aliments cuits, grillés ou frits à haute température dans des conditions de faible humidité ont tendance à contenir plus d’acrylamide que ceux bouillis ou cuits à la vapeur.
    Les fruits à coque grillés peuvent également contenir de l’acrylamide, bien qu’en général en quantités inférieures à celles des féculents comme les pommes de terre.


    ALIMENT
    QUANTITE MEDIANE D’ACRYLAMIDE (µg/kg)ª
    QUANTITE DE REFERENCE REGLEMENTAIRE EN UE (µg/kg)*
    Produits de boulangerie
     
    Pain blanc (de blé)
    15
    50
    Autres pains
    25
    100
    Biscuits et gaufres
    103
    350
    Crackers
    183
    400
    Produits du café
     
    Café en grains
    203
    400
    Café instantané
    620
    850
    Produits de pommes de terre
       
    Frites
    196
    500
    Chips et produits apéritifs
    389
    750
    Autres
       
    Céréales complètes du petit déjeuner
    135
    300
    Céréales à base de blé raffiné
    140
    300
    Autres céréales (maïs, avoine, orge, riz, etc.)
    50
    150
    Aliments infantiles à base de céréales
    15
    40
    Noix et fruits secs ou séchés
    25

    Tableau 1 : Quantités moyennes d’acrylamide dans des aliments courants.
    Remarque : µg/kg = microgrammes par kilogramme. Source : https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/a...
    ªLa médiane est la valeur centrale dans un ensemble de mesures, ce qui signifie que la moitié des échantillons ont des niveaux plus élevés et l’autre moitié des niveaux plus faibles.
    *Les niveaux de référence de l’UE, fixés par le règlement 2017/2158, sont des lignes directrices visant à aider à réduire l’acrylamide dans les aliments. Ce ne sont pas des limites légales, mais des niveaux jugés sûrs à suivre par les entreprises alimentaires.

    Tabac et acrylamide

    Des études montrent que la fumée de cigarette contient de l’acrylamide, et que les fumeurs ont des niveaux de ce composé dans leur corps trois à cinq fois plus élevés que les non-fumeurs7. Cela signifie qu’en plus de l’acrylamide provenant des aliments, le tabagisme peut augmenter de manière significative l’exposition globale, augmentant potentiellement les risques associés.

    Comment réduire les niveaux d’acrylamide lors de la cuisson ?

    Réduire l’acrylamide dans son alimentation commence par quelques changements simples dans la manière de conserver, préparer et cuire les aliments à la maison.
    Étant donné que l’acrylamide se forme lorsque les aliments féculents sont cuits à haute température par la réaction de Maillard, éviter une cuisson excessive est essentiel.

    • Les aliments trop dorés ou brûlés contiennent davantage d’acrylamide, donc il vaut mieux viser une couleur dorée claire plutôt qu’un brun foncé.
    • De plus, utiliser des températures de cuisson légèrement plus basses, même si cela prend un peu plus de temps, peut aussi aider à réduire la formation d’acrylamide5.
    • Si l’on fait souvent de la pâtisserie, utiliser de la farine de riz à la place de la farine de blé peut aussi réduire les niveaux d’acrylamide, car la farine de riz contient naturellement moins d’asparagine libre9.

    Le prétraitement des aliments avant la cuisson peut également être déterminant.

    • Par exemple, faire tremper des tranches de pommes de terre crues dans l’eau pendant environ 30 minutes permet d’éliminer les sucres qui réagissent avec l’asparagine pour former de l’acrylamide.
    • De même, le blanchiment (ébullition rapide des pommes de terre avant la friture ou la cuisson) permet aussi de réduire les niveaux d’acrylamide en diminuant l’asparagine libre et les sucres.
    • Une autre méthode efficace est de passer au micro-ondes les aliments féculents comme les pommes de terre avant de les frire ou les cuire au four (moins longtemps donc), ce qui a montré une réduction de la formation d’acrylamide pouvant atteindre 40 %8.

    Choisir le bon mode de cuisson peut aussi faire la différence.

    • La cuisson à la vapeur et à l’eau ne produit pas d’acrylamide, ce qui en fait d’excellentes alternatives à la friture ou à la cuisson au four.
    • Un débat est en cours pour savoir si les friteuses à air sont meilleures que les fours classiques pour réduire l’acrylamide. Les friteuses à air utilisent de l’air chaud pour créer une texture croustillante avec moins d’huile que la friture traditionnelle, mais certaines études suggèrent qu’elles peuvent produire des niveaux similaires, voire plus élevés d’acrylamide que la cuisson au four. Cela s’explique par le fait que les friteuses à air exposent encore les aliments à des températures élevées et peuvent créer des “points chauds” qui entraînent un brunissement excessif.
    • Les fours, quant à eux, répartissent la chaleur plus uniformément.
    • Dans tous les cas, il est recommandé de faire attention à la couleur (brunissement à la chaleur) des aliments et en éviter ainsi la surcuisson9,10.

    Législation de l’union européenne et son impact

    Pour répondre aux préoccupations liées à l’acrylamide pour la santé, l’Union Européenne a pris des mesures proactives pour en réduire les quantités dans les produits alimentaire.

    • En novembre 2017, la Commission européenne a adopté le règlement (UE) 2017/2158, qui fixe des mesures d’atténuation obligatoires et des niveaux de référence pour l’acrylamide dans des aliments comme les produits à base de pommes de terre, les produits céréaliers et le café.
    • Les entreprises alimentaires doivent respecter ces mesures dans le cadre de leur système de gestion de la sécurité alimentaire, en appliquant le principe « aussi bas que raisonnablement possible » (ALARA) pour minimiser la formation d’acrylamide. Dans ce cadre, les entreprises sont tenues de tester régulièrement leurs produits afin de garantir que les niveaux d’acrylamide restent dans les limites des niveaux de référence établis5.
    • En outre, l’UE a émis la recommandation (UE) 2019/1888, encourageant un suivi accru de l’acrylamide dans les aliments non entièrement couverts par la réglementation10.

    La mise en œuvre de ces mesures réglementaires a permis de réduire les niveaux d’acrylamide dans de nombreux produits alimentaires : ainsi, une étude européenne a révélé que les niveaux moyens d’acrylamide dans les chips de pommes de terre avaient chuté de plus de moitié entre 2002 et 2018, et que la proportion de produits dépassant les niveaux de référence était passée de plus de 40 % en 2002 à moins de 8 % en 201911. Ces progrès réglementaires permettent de garantir des aliments toujours plus sûrs, que tu les achètes en supermarché ou les consommes au restaurant !

    Comment font les industriels pour réduire l’acrylamide dans leurs produits ?

    Des méthodes de transformation avancées, comme les traitements par champs électriques pulsés (PEF) ou les ultrasons, permettent d’éliminer les composants réactifs des aliments avant la cuisson. Ces technologies non thermiques ou hybrides permettent une production alimentaire plus sûre sans compromettre la saveur ni la texture.
    Par ailleurs, les industriels modifient les recettes pour réduire les niveaux d’asparagine ou diminuer la teneur en sucres, en préconisant l’utilisation de matières premières alternatives (comme la farine de riz) 5,12,13.
    Ils ajustent également et en permanence, les températures et les temps de cuisson.

    Résumé

    L’acrylamide est un composé qui se forme spontanément lorsque certains aliments sont cuits à haute température. Cela concerne une grande variété d’aliments du quotidien, notamment les chips, les frites, le pain grillé et le café torréfié. Bien que les études chez l’humain n’aient pas encore établi de lien définitif entre l’acrylamide alimentaire et le cancer, les recommandations de santé publique et les réglementations évolutives insistent sur l’importance de réduire l’exposition par précaution, à travers les recherches en cours, l’innovation alimentaire comme les efforts conjoints des réglementations, des industriels et des consommateurs.
    Vous pouvez en effet adopter des gestes simples pour réduire votre exposition à l’acrylamide sans sacrifier le goût des aliments. Éviter un brunissement excessif, faire tremper ou blanchir les légumes riches en amidon, et choisir des méthodes de cuisson à plus basse température sont autant de solutions efficaces. Suivre strictement les instructions de cuisson des aliments emballés est aussi un moyen facile de minimiser la formation d’acrylamide.

    Les références

    1. Tareke E, Rydberg P, Karlsson P, Eriksson S & Törnqvist M (2002). Analysis of acrylamide, a carcinogen formed in heated foodstuffs. Journal of Agricultural and Food Chemistry 50(17):4998-5006. https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jf020302f.
    2. IARC Working Group on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans (1994). Some Industrial Chemicals. IARC Monographs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans 60. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK507457/.
    3. FDA (2024). Acrylamide in Food. https://www.fda.gov/food/process-contaminants-food/acrylamide. Accessed 27 March 2025.
    4. EFSA Panel on Contaminants in the Food Chain (CONTAM) (2015). Scientific opinion on acrylamide in food. EFSA Journal 13(6):4104. https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2903/j.efsa.2015.4104.
    5. Commission Regulation (EU) 2017/2158 (2017). Mitigation measures and benchmark levels for the reduction of the presence of acrylamide in food. Official Journal of the European Union. https://food.ec.europa.eu/food-safety/chemical-safety/contaminants/cat
    6. Aktağ IG, Hamzalıoğlu A, Kocadağlı T & Gökmen V (2022). Dietary exposure to acrylamide: A critical appraisal on the conversion of disregarded intermediates into acrylamide and possible reactions during digestion. Current Research in Food Science 5:1118-
    7. Kenwood BM, Zhu W, Zhang L, et al. (2022). Cigarette smoking is associated with acrylamide exposure among the U.S. population: NHANES 2011–2016. Environmental Research 209:112774. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35074357/.
    8. Abhigna S, Kulkarni M, Khandalkar N & Patil AV (2024). Acrylamide in Food: From Formation to Regulation and Emerging Solutions for Safer Consumption. FoodSci: Indian Journal of Research in Food Science and Nutrition 69-77. https://www.opensciencepublica
    9. Chen Y, Wu Y, Fu J & Fan Q (2020). Comparison of different rice flour- and wheat flour-based butter cookies for acrylamide formation. Journal of Cereal Science 95:103086. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S073352102030477X.
    10. European Commission (2019). Commission Recommendation (EU) 2019/1888 on the monitoring of the presence of acrylamide in certain foods. https://eur-lex.europa.eu/eli/reco/2019/1888/oj/eng. Accessed 27 March 2025.
    11. Powers SJ, Mottram DS, Curtis A & Halford NG (2021). Progress on reducing acrylamide levels in potato crisps in Europe, 2002 to 2019. Food Additives & Contaminants: Part A 38(5):782-806. https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19440049.2020.187108
    12. Pandiselvam R, Süfer Ö, Özaslan ZT, et al. (2024). Acrylamide in food products: Formation, technological strategies for mitigation, and future outlook. Food Frontiers 5:1063-1095. https://doi.org/10.1002/fft2.368.
    13. Sarion C, Codină GG & Dabija A (2021). Acrylamide in bakery products: A review on health risks, legal regulations and strategies to reduce its formation. International Journal of Environmental Research and Public Health 18(8):4332. https://doi.org/10.3